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Monnaies africaines : Le dinar tunisien reprend des couleurs

  • 9 juillet 18:30
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Monnaies africaines : Le dinar tunisien reprend des couleurs

Après plusieurs années de dépréciations continues, les principales monnaies africaines se sont appréciées face au dollar américain au premier semestre 2025. Le dinar tunisien affiche une performance remarquable, soutenue par un environnement économique plus favorable et la faiblesse du billet vert sur les marchés internationaux.

La Presse — Le premier semestre 2025 marque un tournant pour les monnaies africaines. Selon des données compilées par « Investing.com, XE.com » et plusieurs banques centrales africaines, sur un panel de 14 monnaies couvrant 27 pays, seules quatre ont enregistré une dépréciation face au dollar entre fin décembre 2024 et fin juin 2025.

Ce redressement est attribué à plusieurs facteurs. D’une part, la reprise de la croissance sur le continent — estimée à plus de 4 % pour 2025 par le Fonds monétaire international (FMI, Perspectives économiques régionales, avril 2025) — s’accompagne d’une décrue de l’inflation et d’un redressement des soldes budgétaires et extérieurs. D’autre part, les banques centrales, comme celles du Ghana ou de Tunisie, ont amélioré leur gestion monétaire, renforcé leurs réserves de change et stabilisé leurs devises.

Mais l’un des principaux catalyseurs reste le comportement du dollar américain.

D’après « Bloomberg », la monnaie américaine a perdu plus de 12 % de sa valeur face à l’euro entre fin 2024 et mi-2025, sous l’effet des incertitudes liées à la politique économique de la nouvelle administration Trump.

Cette baisse du dollar a naturellement renforcé les monnaies africaines, en particulier celles adossées partiellement ou totalement à l’euro, comme le franc CFA, le dirham marocain ou encore le dinar tunisien.

La Tunisie tire parti de la conjoncture

Dans ce contexte, le dinar tunisien s’est apprécié d’environ 9,5 %, passant de 3,18 à 2,88 TND pour 1 USD au 2 juillet 2025. Cette progression résulte à la fois d’effets externes et de facteurs internes. Selon la Banque centrale de Tunisie, l’amélioration des réserves en devises — grâce à la hausse des recettes touristiques et aux transferts de la diaspora — a contribué à soutenir la monnaie nationale.

Par ailleurs, l’appréciation de l’euro, devise principale des échanges extérieurs, a renforcé mécaniquement la position du dinar face au dollar. Cette appréciation a eu des effets positifs : réduction des coûts des importations en dollar, allègement du service de la dette extérieure et limitation de l’inflation importée.

Une dynamique continentale contrastée

Sur le continent, la monnaie la plus performante reste le cedi ghanéen, avec une hausse de 29,83 %. D’après la Bank of Ghana, cette progression est en partie due au renforcement stratégique des réserves d’or dans le cadre du « Gold for Oil Program », qui impose aux compagnies minières de vendre 20 % de leur production à la banque centrale. Ces réserves permettent au Ghana de réduire sa dépendance au dollar pour ses importations.

Le franc CFA, utilisé dans 14 pays d’Afrique subsaharienne, a connu une hausse de 11,22 %. Cette performance n’est pas liée aux économies des pays concernés mais à son ancrage fixe à l’euro (1 euro = 655,957 francs CFA), comme le rappellent la BCEAO et la BEAC. Le dirham marocain s’est apprécié de 7,95 %, selon Bank Al-Maghrib, grâce à la solidité macroéconomique du pays, une inflation modérée et une politique monétaire crédible.

Son ancrage sur un panier de devises composé à 60 % d’euro et à 40 % de dollar a amplifié la dynamique favorable. En Afrique du Nord, toutes les monnaies se sont renforcées : la livre égyptienne de 2,44 %, selon la Banque centrale d’Égypte, grâce à la reconstitution des réserves de change (48,14 milliards USD à fin avril), et le dinar algérien de 4,51 %.

Toutefois, cette dernière performance est relativisée par l’existence d’un marché parallèle très actif, où le dollar s’échange à 226 dinars, contre 129 dinars sur le marché officiel, selon des données de la Banque d’Algérie et de la presse économique algérienne.

Perspectives positives mais prudentes

Selon les projections de plusieurs institutions financières et banques internationales, le dollar pourrait poursuivre sa baisse, avec un taux de 1,20 USD pour 1 euro attendu d’ici fin 2025. Une telle évolution favoriserait encore l’appréciation des monnaies africaines, notamment celles qui, comme le dinar tunisien, dépendent fortement de l’euro.

Mais cette embellie reste fragile. Pour que la Tunisie en tire un bénéfice durable, elle devra poursuivre ses efforts de consolidation budgétaire, de diversification économique et de modernisation de son système financier.

Auteur

LA PRESSE