« Faux » par l’atelier de théâtre d’Abdelkader Ben Saïd : Une aventure théâtrale passionnante
Durant une heure quinze, les apprentis comédiens se sont investis comme des professionnels dans leur rôle qui exige concentration, discipline et énergie. Certains élèves, notamment les femmes, viennent de loin pour assister aux répétitions et n’ont jamais abdiqué grâce à la compréhension de leurs conjoints qui les accompagnent, sacrifiant ainsi leur vie familiale pour s’adonner à leur passion.
La Presse — C’est dans le cadre d’un atelier de formation théâtrale initié par l’acteur et metteur en scène Abdelkader Ben Saïd qu’a été présentée, samedi dernier à la salle Le Mondial qui a également abrité les répétitions de cet atelier, la création « Faux » interprétée par une myriade de jeunes talents. « Faux » retrace la vie complexe et compliquée d’un homme interné dans un hôpital psychiatrique qui souffre de troubles psychologiques dus à un environnement familial et social hostile à son égard.
La pièce ne se contente pas d’être un récit documentaire sur l’état d’un malade, mais se présente comme un voyage dans la tête du personnage lors de ses moments d’hallucinations et de démence. Conscient de son état, il demande de l’aide à la psychiatre de service. Cette dernière essaie d’extirper par les mots son passé douloureux et d’expliquer sa psychose.
Dans un décor minimaliste : un lit à roulettes d’hôpital et une chaise et un micro suspendu réservés au médecin, le protagoniste fait défiler sa vie, sa relation conflictuelle avec ses parents et son entourage familial qui ont étouffé ses initiatives et l’ont empêché de se construire en adulte équilibré. Être fragile et sensible, n’ayant pas pu surmonter l’étouffement et la pression qui l’écrasent, il devient impuissant face au monde extérieur et entre dans une paranoïa irréversible.
Par l’inventivité et l’élégante scénographie, les personnages transportent leurs intérieurs et le transposent sur la scène par des cris, des vociférations et des explosions de colère. Les différents obstacles qui traversent la pièce sont-ils le fruit de l’imagination de Skander, le personnage principal, ou les récits de son vécu ? Au spectateur de démêler le vrai du faux et de donner sens aux situations invoquées par le malade.
Durant une heure quinze, les apprentis comédiens se sont investis comme des professionnels dans leur rôle qui exige concentration, discipline et énergie. Certains élèves, notamment les femmes, viennent de loin pour assister aux répétitions et n’ont jamais abdiqué grâce à la compréhension de leurs conjoints qui les accompagnent, sacrifiant ainsi leur vie familiale pour s’adonner à leur passion.
Le metteur en scène signe une pièce sur le traumatisme familial et le conflit de générations. Mais au-delà de cet argument, « Faux » est aussi le portrait d’une société qui se débat et s’étouffe. Une société dont les repères sont bafoués. Vie passée, vie manquée, en l’absence de dialogue, s’entrechoquent dans la folie.
Abdelkader Ben Saïd transforme un peu avec justesse le propos pour en faire une variation sur la construction de soi, les rapports parents-enfants et la liberté qu’il faut donner aux êtres en devenir si l’on veut qu’ils se construisent d’eux-mêmes dans un monde où rien ne va. La pièce est portée par les soldats de la scène, ces embryons de comédiens talentueux : Arwa Abassi, Sana Ben Mahmoud, Meriem Kharrat, Rym Jallouli, Mayar Kadri, Nadia Ben Saïd, Malek Belkhouja, Skander Melki, Lazhar Azzouz, Ramzi Laroussi, Bochra Zid. A la fin du spectacle, leur encadreur, Abdelkader Ben Saïd, a remis à chacun d’eux un diplôme qui atteste leur aptitude à affronter la scène et à poursuivre l’aventure théâtrale.
