Nouvelle taxation américaine sur les pièces de rechange automobile importées et impacts sur le marché tunisien : La tête sous l’eau - LA PRESSE
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Nouvelle taxation américaine sur les pièces de rechange automobile importées et impacts sur le marché tunisien : La tête sous l’eau

  • 6 mai 18:10
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Nouvelle taxation américaine sur les pièces de rechange automobile importées et impacts sur le marché tunisien : La tête sous l’eau

Guerre commerciale, transition électrique, baisse des profits : les constructeurs européens vacillent… et les pays importateurs comme la Tunisie pourraient en ressentir les secousses. Entre la hausse des droits de douane américains, le ralentissement du marché chinois et la féroce concurrence sur le segment des véhicules électriques, l’industrie automobile européenne traverse une période critique. En Tunisie, des effets indirects sont à redouter : hausse des prix, allongement des délais de livraison, ou réduction de l’offre disponible. Rien n’est encore certain, mais les professionnels du secteur redoutent un impact sur un marché déjà sous tension.

La Presse — La nouvelle salve de droits de douane américains sur les pièces détachées importées, en vigueur depuis le 3 mai, accentue la pression sur une industrie automobile européenne déjà en difficulté. Entre ralentissement du marché chinois, guerre des prix et marges en berne, les perspectives s’assombrissent pour les géants du secteur.

Un secteur fragilisé avant même la tempête

Il faut admettre que la crise ne date pas d’hier. Avant même l’émergence de Donald Trump sur la scène internationale, les signaux d’alerte s’étaient multipliés pour l’automobile européenne. Le ralentissement de la croissance en Chine, longtemps moteur des ventes, a commencé à peser lourdement. Les tensions commerciales sino-européennes sont ensuite venues compliquer les échanges, dans un contexte de compétition accrue avec les constructeurs asiatiques.

Parallèlement, la transition vers le véhicule électrique s’est imposée comme une nécessité réglementaire, mais aussi comme une source majeure de dépenses. De nombreux constructeurs européens, installés de longue date, ont pris du retard dans la course à la voiture électrique. Ils ont du mal à suivre le rythme de « Tesla », qui maîtrise parfaitement les technologies liées à ce nouveau marché, ou à s’aligner sur les prix très compétitifs proposés par des marques chinoises comme « BYD » ou « Nio ». Résultat : ils se retrouvent face à un double défi, une transition coûteuse et difficile pour la plupart d’entre eux. 

Les chiffres récemment publiés pour les trois premiers mois de l’année illustrent ce climat de tension. Le groupe allemand « Mercedes-Benz » a vu son bénéfice net chuter de 43 %, à 1,7 milliard d’euros, avec des ventes en recul de 7 %. Le constructeur subit de plein fouet la contraction de la demande et la hausse des coûts liés à l’électrification de sa gamme.

«Volkswagen», de son côté, affiche des performances contrastées : ventes en hausse de 1,4 %, chiffre d’affaires en progression de 2,8 % à 77,6 milliards d’euros. Mais le revers est brutal sur le plan de la rentabilité : le bénéfice net s’effondre de 40,6 %, à 2,2 milliards d’euros. Le groupe paie cher ses investissements massifs dans l’électromobilité et l’effort d’adaptation à une concurrence de plus en plus féroce.

Même les marques premium, souvent plus résistantes aux cycles économiques, souffrent. « Porsche », filiale de « Volkswagen », enregistre une baisse de 44 % de son bénéfice net et un léger recul de 1,7 % de son chiffre d’affaires. Un signal fort d’une perte de confiance du marché haut de gamme et d’un essoufflement général.

L’épée de Damoclès américaine

Comme si cela ne suffisait pas, une nouvelle épine vient se planter dans le pied déjà douloureux des constructeurs européens : l’entrée en vigueur, le 3 mai, de nouvelles taxes douanières américaines sur les pièces détachées importées. Cette mesure, issue de la stratégie économique offensive de Washington, menace directement les chaînes de valeur transatlantiques, en particulier pour les groupes qui exportent des composants ou assemblent des véhicules aux Etats-Unis.

Les répercussions pourraient être rapides : hausse des coûts, ralentissements logistiques, voire remise en question de certains partenariats industriels.

Selon les prévisions de certains spécialistes, les conséquences pourront être lourdes pour des marchés dépendant des importations européennes, comme la Tunisie. D’après leur lecture, cette crise se traduira par un renchérissement des véhicules neufs et d’occasion. 

La raréfaction de certains modèles, combinée à la hausse des coûts logistiques et à la pression sur les marges des concessionnaires, risque d’alourdir davantage la facture pour les consommateurs tunisiens. Les voitures européennes — notamment allemandes, françaises et italiennes — restent très présentes sur le marché tunisien. Mais avec la crise que traverse actuellement l’industrie automobile en Europe, ces véhicules risquent de devenir plus chers et d’être livrés avec plus de retard. Face à la hausse des coûts et à la baisse de rentabilité, les constructeurs pourraient décider de se concentrer sur leurs marchés les plus importants, comme l’Europe de l’Ouest ou les États-Unis, au détriment de pays comme la Tunisie. Cela signifie que les consommateurs tunisiens pourraient avoir moins de choix, attendre plus longtemps leurs voitures, ou payer plus cher.

A cela s’ajoute un enjeu plus structurel : la Tunisie, qui reste fortement dépendante des importations pour renouveler son parc automobile, devra sans doute repenser ses accords commerciaux et anticiper l’émergence de nouveaux fournisseurs — notamment asiatiques — dont la part de marché ne cesse de croître, parfois au détriment de la qualité ou du service après-vente.

Une transformation encore inachevée

Au-delà des chocs conjoncturels, les constructeurs doivent composer avec une transformation profonde et coûteuse de leur modèle industriel. Véhicules électriques, connectés, autonomes, bas carbone : les ambitions sont élevées, mais leur mise en œuvre réclame des investissements colossaux, sans retour immédiat sur investissement.

Sans coordination européenne forte ni stratégie industrielle commune, les acteurs du secteur risquent de subir une concurrence déloyale et une fuite de valeur ajoutée vers l’Asie ou les Etats-Unis, où les politiques de soutien public sont plus affirmées. Faute de réponse à la hauteur des enjeux, l’industrie automobile européenne pourrait bien perdre encore plus de terrain dans la décennie à venir.

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