Tripoli envisage une taxe sur les importations : La Tunisie sera-t-elle visée ?

La perspective de nouveaux droits de douane en Libye commence à faire réagir les acteurs économiques tunisiens. Bien qu’à l’état de simple proposition, le projet inquiète par ses implications possibles sur le commerce bilatéral, à un moment où les échanges entre les deux pays connaissent une nette progression.
La Presse — Les échanges commerciaux entre la Tunisie et la Libye, longtemps considérés comme un pilier de la coopération économique régionale, pourraient subir un revers important si le projet de décret actuellement étudié par le gouvernement libyen venait à entrer en vigueur. Ce texte, soumis par le ministère libyen de l’Économie et du Commerce au Conseil des ministres, propose l’instauration de droits de douane variables sur les importations en provenance de 26 pays, parmi lesquels figurent la Tunisie, l’Italie, la Turquie, mais aussi des partenaires économiques majeurs comme la France, l’Allemagne et la Chine.
Protéger les produits locaux
Selon des informations rapportées par l’agence de presse italienne « Nova », ce projet prévoit des taux d’imposition allant de 10 % à 25 % selon le pays d’origine. Pour la Tunisie, ce droit de douane atteindrait 20 %, au même titre que l’Italie et la Turquie. Le ministre libyen de l’Économie, Mohammed al-Huwaij, justifie cette mesure par le souci de protéger les produits locaux, encourager la production industrielle nationale et réduire la dépendance vis-à-vis des importations. Le texte précise toutefois que les biens de première nécessité, les produits à usage humanitaire ou bénéficiant d’exemptions spéciales ne seront pas concernés.
Face à cette perspective, les réactions, côté tunisien, ne se sont pas fait attendre. Intervenant sur les ondes d’une radio privée, Saber Bouguerra, directeur exécutif du Conseil économique tuniso-libyen, a exprimé ses réserves : « Le projet de résolution actuellement à l’étude prévoit un droit de douane de 20 % sur les produits tunisiens. Une telle mesure, si elle venait à être appliquée, risquerait de freiner l’élan positif que connaissent nos échanges bilatéraux, qui ont atteint près de 3 milliards de dinars. Nous comprenons la volonté de la Libye de soutenir son industrie locale, mais nous appelons à un traitement équilibré qui ne vienne pas compromettre les relations économiques construites sur des années de coopération ».
Un projet encore non acté
Le responsable tunisien a souligné que le gouvernement libyen opère actuellement un changement stratégique dans divers domaines, en recourant à des logiques de réciprocité avec plusieurs partenaires. Il a également rappelé que le projet n’en est encore qu’à une phase préliminaire, portée essentiellement par des producteurs locaux soucieux de lutter contre le dumping. Aucune décision officielle n’a encore été prise.
Dans ce contexte incertain, les acteurs économiques tunisiens restent attentifs à l’évolution de la situation. L’imposition d’une taxe de 20 % pourrait considérablement alourdir les coûts à l’export pour les entreprises tunisiennes, notamment dans les secteurs comme l’agroalimentaire, les matériaux de construction ou les services, et compromettre les efforts en cours pour renforcer l’intégration économique entre les deux pays voisins.
Si cette taxe venait à être adoptée en Libye, elle s’ajouterait à la pression déjà exercée par la taxe américaine sur les produits tunisiens, créant ainsi un double fardeau pour les exportateurs. À cela s’ajoute le risque que d’autres pays emboîtent le pas, imposant des barrières similaires. Ces obstacles commerciaux, qu’ils proviennent de Libye, des États-Unis ou d’autres nations, pourraient réduire la compétitivité des produits tunisiens sur le marché international, compliquant encore la tâche des entreprises locales dans un contexte économique déjà fragile. À l’heure où la coopération régionale est plus que jamais nécessaire, les milieux d’affaires tunisiens espèrent que cette proposition sera révisée dans un esprit de dialogue et de partenariat mutuellement bénéfique.