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On nous écrit – Les incontournables du documentaire arabe : Lutte fertile

  • 12 juillet 18:10
  • 3 min de lecture
On nous écrit – Les incontournables du documentaire arabe : Lutte fertile

Le tout dernier cycle de projection organisé par l’Atpcc, intitulé «Les Incontournables du documentaire arabe», les 26 et 27 juin 2025, met en lumière des films qui marquent par leur mémoire, leur résistance et leur regard critique. Ce cycle, organisé en partenariat avec la Maison de la culture Ibn-Rachiq et Aflamuna, vise à explorer la richesse et la diversité du cinéma documentaire arabe. 

La première séquence du documentaire Foragers, Al yad el khadra, 2022, 65 minutes, de la réalisatrice palestinienne Jumana Mannaa, montre en plongée combien l’être palestinien est profondément enraciné dans sa terre. Il fait corps avec, à tel point qu’il est indissociable de son environnement. Vu d’en haut, le bonhomme est confondu avec le paysage, si bien que la tête se confond avec les taches blanches des rochers du plateau du Goéland ! Puis un léger zoom avant de la caméra suit un point qui bouge et se déplace.

L’occupant veut imposer son monopole de la culture du Zaatar (thym) et du Akkoub (chardon-Marie), une forme de mainmise sur la terre, mais le Palestinien résiste en continuant à cueillir ces plantes même si l’akkoub est épineux et blessant. En vérité, la focalisation obsessionnelle de la réalisatrice Jumana Mannaa sur ces deux plantes sauvages, si simples soient-elles, sont la consacrées comme symboles et métaphores fort identitaires de résistance pacifique et d’attachement au territoire spolié.

Au cours de l’évolution du documentaire, l’un des personnages interrogé par le colonisateur n’a-t-il pas répondu qu’il ne vole pas le zaatar, parce qu’il considère justement que son corps est le prolongement de sa terre et qu’il n’y a pas de différence entre eux deux. En d’autres termes, il pense avec conviction qu’à l’image des plantes, il fait partie de cette terre, tout comme les autres éléments dont est composée la nature où il vit.

Preuve irréfutable d’une relation plus qu’intime avec sa terre. Il s’agit d’un lien véritablement organique, nourricier, sensoriel et immémorial d’appartenance et d’enracinement que rien ne peut démentir ou contredire. Mais lorsque l’occupant lui demande pourquoi ses mains sont vertes, le Palestinien lui répond que c’est du henné : plante dont les feuilles servent à décorer les mains et les pieds des femmes lors des fêtes.

C’est en s’inspirant de cette réponse que la réalisatrice a donné le titre en arabe à son documentaire. Ce titre Al Yad El Khadra (La main verte) peut renvoyer à l’expression française « avoir les mains vertes ». Elle signifie avoir des mains heureuses qui sont aptes à faire germer et croître ce qu’elles touchent. À plusieurs et différents niveaux, la présence du corps des personnages qui ont évolué dans le documentaire a un rapport de proximité et d’adhésion totale à ce qui est planté et à ce qui est verdure.

Cette idée heureuse de fertilisation est à associer à la vision positive de Joumana Mannaa dont le film cultive une attitude valorisante de la résistance des Palestiniens. À travers son œuvre, la réalisatrice donne notamment la preuve que le cinéma, en se servant de la caméra, est censé être cette main verte qui fait naître l’espoir. Ainsi, elle participe à la résistance pacifique de la lutte contre l’occupation.

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Amel BOUSLAMA