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« Echoes of a journey » de Hamadi Ben Saad à la galerie TGM : Une expérience à chaque fois renouvelée

  • 14 juin 16:09
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« Echoes of a journey » de Hamadi Ben Saad à la galerie TGM : Une expérience à chaque fois renouvelée

Ben Saâd se plaît à explorer les possiblités expressives et matérielles du collage. Ses œuvres sont conçues comme des étendues monochromes basées sur une superposition de couches de papier distinctes et composées selon des critères de surface, de texture et de rythme. « Echoes Of a Journey », une exposition personnelle de Hamadi Ben Saâd à visiter pour un moment d’exception. 

La Presse —Abstraits et monochromes en monumental et autres grands formats, emblématiques masques et autres moyens et petits formats au feutre ou au pastel, les œuvres, reconnaissables à mille lieues, de l’inconique Hamadi Ben Saâd, font vibrer les cimaises de la galerie TGM au rythme d’une chromatie abondante et d’un geste intuitif. «Echoes Of a Journey» est l’intitulé de l’exposition qui accueille les œuvres de cette grande figure de l’art visuel tunisien et qui se poursuit jusqu’au 28 juin prochain.

S’étendant sur des années de création artistique, l’exposition offre un voyage immersif dans l’univers visuel et poétique de l’artiste, mettant à découvert les strates d’un langage visuel en constante évolution.  Autodidacte, grand nomade et iconoclaste, l’artiste est connu pour ses œuvres immenses et  graphiques car aimant peindre en all over en investissant tout l’espace pour insuffler la vie à ses fameux visages aux regards exorbités et aux bouches béantes, qu’il peint et enfante sans relâche depuis des décennies.

Ancien instituteur et peintre autodidacte, Hamadi Ben Saâd est né en 1948 à Tunis. Il pratique son art depuis 1966, commençant à exposer en 1976. Au moyen de la peinture et du collage, il superpose papiers, toiles, journaux recyclés, élaborant ainsi son principal matériau de création. Il explore aussi bien la peinture figurative (série de portraits en pieds, de faces et de profils, série des «têtes empilées ») que la peinture abstraite (des formes diffuses, témoins de son processus de création).

L’artiste puise son inspiration dans le grouillement de la Médina de Tunis, les tons des saisons ou les lumières et les mouvements de la nature. Ses séjours à l’étranger (France, Suisse, Hollande, Belgique, Pays-Bas, Etats-Unis, etc.), au gré de ses résidences d’artistes et de ses expositions, lui ont permis de développer une pratique artistique très personnelle, se façonnant un univers puissant et charnel, dégagé des contraintes qui peuvent être imposées par le contexte artistique d’un lieu ou d’une époque. 

«Mes tableaux sont mes enfants. Le préféré de tous ? c’est toujours le tableau futur que je compte faire», clame-t-il. Et ce faire il l’a toujours abordé sans relâche avec dévouement pour donner corps à une œuvre instinctive et foisonnante. Matérialité, traitement en strates, gestes a-frontières pour mixer les techniques et aborder une multitude de supports et autres médiums: carton, papier kraft, papier d’emballage, affiches publicitaires, déchets de tissus, peinture, pastel, feutre, graphite,… «Echoes Of a Journey» souligne les différentes phases de la carrière de Ben Saâd, mettant en lumière les transformations de son approche, ses expériences techniques et les thèmes récurrents qui traversent son corps de travail : 

Le naïf et le figuratif entre 1975 et 1980, les dessins au graphite sur papier d’affiche et journaux de 1978 à 1985, la période des dessins (1980-1990), les collages et autres lacérations dans les années 90, les années 2000 marquées par les visages, les masques et les portraits et depuis 2010 un intérêt pour l’abstrait et les monochromes. Dans ses grands abstraits et autres monochromes, Ben Saâd se plaït à explorer les possiblités expressives et matérielles du collage.

Ses œuvres sont conçues comme des étendues monochromes basées sur une superposition de couches de papier distinctes et composées selon des critères de surface, de texture et de rythme. Chaque couche correspond à une somme de gestes précis. Le papier roulé, plié, tressé ou marouflé est à chaque fois mis à l’épreuve dans un jeu de re-couvrement et de dévoilement avant d’aboutir à une topographie irrégulière, empreinte des tensions entre le visible et le dissimulé.

De même pour ses œuvres aux portraits et autres figures humaines (ces dernières sont incarnées dans différentes positions et états : désarticulés, accroupies, allongées ou en position foetale…), dont la plupart sont marquées par l’apparition de marbrures, de sillons et autres plissures sous l’effet d’interaction entre les strates sous-jacentes et la colle vinylique déversée, en grande quantité.

À travers ces œuvres d’une expressivité saisissante, l’artiste explore le visage humain comme un symbole à la fois totémique et profondément émotionnel. S’inspirant du célèbre Cri d’Edvard Munch, il donne naissance à des figures habitées par la douleur, la solitude et un mystère latent. Chaque trait, chaque déformation, semble traduire un état intérieur, une tension contenue entre l’universel et l’intime. 

Ces visages ne représentent pas: ils expriment. Ils ne décrivent pas un individu, mais incarnent des états de l’âme, des fragments de mémoire ou des échos de l’inconscient collectif. Ben Saâd nous convie ainsi à une expérience sensorielle et introspective, où le regard oscille entre reconnaissance et trouble, attiré par cette présence à la fois familière et fuyante. Une expérience à chaque fois renouvelée à vivre aujourd’hui à travers cette exposition et à chaque fois que l’occasion nous le permette.

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