Tribune – Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS) : Le coût du retard et l’urgence de la réforme

Par Sdiri KHALED*
Le secteur de la sécurité sociale constitue l’un des piliers fondamentaux pour ancrer les valeurs de solidarité entre les différentes catégories de la société. Cependant, ce rôle est désormais menacé en raison du déficit financier que connaissent les régimes de retraite, dû à plusieurs facteurs, notamment la mondialisation, la faiblesse du recouvrement dans le secteur privé, le faible taux de couverture, ainsi que les transformations démographiques et technologiques qui, à moyen terme, représenteront les principaux défis auxquels sera confronté le système de protection sociale.
Face à la situation financière critique que traverse la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (Cnrps), il est devenu impératif d’entamer les réformes nécessaires sans délai. Chaque année qui passe sans réforme augmente le coût futur des interventions, comme le montre la comparaison entre les années 2022 et 2023 en ce qui concerne les indicateurs démographiques et les taux de cotisations nécessaires pour atteindre l’équilibre financier.
L’indicateur démographique et l’équilibre financier
L’équilibre financier de tout régime de retraite par répartition repose sur un équilibre entre le nombre d’actifs (cotisants) et le nombre de retraités (bénéficiaires de pensions). En 2023, il aurait fallu 2,77 cotisants actifs pour chaque retraité afin d’assurer l’équilibre, alors que la réalité n’en comptait que 1,89, ce qui signifie qu’il aurait fallu recruter plus de 353 000 cotisants supplémentaires (voir tableau 1).
En 2022, l’indicateur requis était de 2,81 alors que l’indicateur réel n’était que de 2,03, ce qui nécessitait environ 297 000 cotisants supplémentaires. Le report de la réforme de 2022 à 2023 a donc entraîné un besoin supplémentaire d’environ 56 000 cotisants, ce qui illustre clairement l’impact négatif direct du retard dans la mise en œuvre des réformes.
Tableau 1 : Rapport démographique du système de retraite

Le taux de cotisations
Les données financières figurant dans le tableau 2 indiquent que le taux actuel de cotisation de 23,7 % (dont 14,5 % à la charge de l’employeur et 9,2 % à la charge du salarié) n’est pas suffisant pour combler le déficit du régime de retraite. En 2022, le taux nécessaire pour atteindre l’équilibre financier était de 32,88 %, et il a augmenté en 2023 à 34,77 %, en l’absence de mesures de réforme.
En conséquence, cette hausse s’est reflétée dans la contribution mensuelle supplémentaire des salariés, qui est passée de 78 dinars en 2022 à 99 dinars en 2023, et dans la part des employeurs, qui est passée de 123 à 156 dinars. Cette évolution montre que le retard des réformes entraîne des charges financières croissantes pour toutes les parties prenantes.
Tableau 2 : Taux de cotisation du régime de retraite

Ainsi il devient clair que le report continu des réformes du régime de retraite contribue à la dégradation progressive des indicateurs financiers et démographiques, rendant de plus en plus difficile la couverture d’un déficit croissant. Face à cette situation préoccupante, il devient nécessaire d’engager immédiatement des réformes audacieuses, planifiées avec rigueur, et en phase avec la réalité démographique, économique et sociale du pays.
Ces réformes peuvent reposer sur plusieurs axes principaux :
• Lancer immédiatement la réforme des régimes de retraite, afin d’éviter une aggravation future du déficit financier.
• Renforcer les mécanismes de contrôle et de déclaration des travailleurs, notamment par l’intégration progressive de l’économie informelle, dans le but d’élargir l’assiette des cotisants.
• Réduire la dépendance excessive aux cotisations en recherchant des sources de financement alternatives et durables, telles que les contributions de solidarité, les taxes et les prélèvements spécifiquement affectés au soutien du système de sécurité sociale, conformément aux orientations annoncées par le chef de l’État.
• Instaurer un dialogue social tripartite impliquant l’État, l’organisation syndicale et l’organisation patronale, afin d’élaborer des solutions participatives garantissant à la fois l’équité et la durable.
Les dernières données publiées par l’Institut national de la statistique concernant le vieillissement de la population confirment l’urgence de prendre des mesures immédiates. Le régime de retraite, dans sa forme actuelle, risque à court terme de devenir insoutenable. Sans décisions courageuses et responsables, la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale connaîtra de graves déséquilibres financiers.
Il est important de souligner que les indicateurs disponibles montrent clairement que chaque année de retard aggrave le déficit, alourdit les charges sur les cotisants et accroît l’endettement du système. Par conséquent, l’engagement collectif dans des réformes structurelles, proactives et durables devient incontournable, pour assurer la pérennité du régime de retraite, dans l’intérêt des générations actuelles et futures.
S.K.
* Expert en matière de sécurité sociale