Marché africain : L’espoir d’un essor commun

La Tunisie mise aujourd’hui, plus que jamais, sur le marché africain. Elle le considère non seulement comme un débouché à l’export lui permettant de s’affranchir du carcan des marchés traditionnels, mais aussi comme un partenaire pour bâtir un avenir commun, où le développement inclusif serait au cœur de l’économie du continent.
La Presse — L’Afrique a les moyens de ses ambitions : ce ne sont pas les ressources qui manquent. Conjuguer les efforts des pays africains et dépasser les divergences pour progresser ensemble n’a rien d’utopique. C’est un objectif atteignable. Et parmi les principaux outils permettant de concrétiser cette intégration — tant rêvée par les pays du continent — figure la Zlecaf, une institution encore jeune, mais dont la mission est majeure : créer une zone de libre-échange continentale.
La Tunisie, pleinement ancrée dans sa dimension africaine, a cru en ce projet dès ses débuts et a été l’un des premiers pays à y adhérer. Elle a également fait partie des huit Etats ayant participé à l’Initiative guidée, lancée en 2022 pour tester l’environnement opérationnel et juridique de la Zlecaf, ainsi que le niveau de préparation du secteur privé.
Pour un modèle économique inclusif
« Le projet de la Zlecaf est très avancé sur le plan institutionnel. D’ailleurs, les prérequis pour la mise en place d’un marché unique africain sont en cours de finalisation. La volonté politique est également présente : tous les dirigeants africains sont conscients du rôle central que joue le continent dans l’économie mondiale », a déclaré Lazhar Bennour, directeur général de la coopération économique et commerciale au ministère du Commerce et du Développement des exportations, en marge de la 8e édition du Fita.
Il a ajouté que ce rôle décisif, dévolu aujourd’hui à l’Afrique, tire son importance de la nature même du modèle économique que les pays du continent cherchent à établir : un modèle inclusif, prenant en compte les dimensions sociales et environnementales, à rebours du modèle post-guerre basé sur l’exploitation, l’exclusion et la domination.
« Nous espérons qu’avec la jeunesse africaine, nous pourrons changer ce modèle. Et c’est en Afrique que tout se joue », a-t-il poursuivi. Évoquant l’état d’avancement du projet d’intégration continentale, Bennour a reconnu que les échanges intra-africains progressent, mais encore timidement. Les entreprises africaines — et notamment tunisiennes — placent beaucoup d’espoirs dans ce marché, malgré les obstacles persistants. Il a expliqué que la légère baisse des exportations tunisiennes vers l’Afrique subsaharienne, enregistrée l’année dernière, s’explique par l’instauration, deux ans plus tôt, de mesures fiscales dans certains pays. Une situation appelée à s’améliorer, selon ses dires, les sociétés de commerce international s’adaptant progressivement à ces nouvelles réglementations. « Le rythme des exportations reprendra en 2025 et 2026 », a-t-il rassuré.
Encourager le « Sourcing » africain
La bonne nouvelle pour les entreprises tunisiennes, c’est le cumul d’origine dans le cadre de la Zlecaf, qui leur permet d’exporter leurs produits vers d’autres pays africains avec des tarifs préférentiels. « Nous sommes parmi les rares pays africains à prôner le principe du « Sourcing » à partir du continent », a insisté Bennour.
Il a indiqué que le modèle de « Sourcing » euro-méditerranéen, en place depuis les années 1970, pourrait aujourd’hui être diversifié en s’orientant vers l’Afrique. « Nous encourageons de nombreuses industries locales à s’approvisionner sur le continent. C’est notamment le cas des industries du cuir, de la chaussure ou encore de la transformation de matières premières. Nous espérons également établir des partenariats autour du « Sourcing » agroalimentaire, car l’Afrique regorge de ressources agricoles dont la Tunisie pourrait tirer parti en les transformant », a-t-il affirmé.
Les échanges avec l’Afrique subsaharienne — qui représentent une importante marge de croissance pour le commerce extérieur — restent néanmoins freinés par la faiblesse des liaisons avec ces pays. Selon Bennour, le transport terrestre reste, dans le cas tunisien, le plus adapté, en l’absence de port en eaux profondes ou de connexions maritimes directes. D’ailleurs, l’expérience internationale montre que les voies terrestres et ferroviaires sont les plus efficaces pour développer les échanges entre zones économiques. C’est dans cette logique que la Tunisie a adhéré au mégaprojet du corridor tuniso-libyen, dont le départ est prévu depuis la zone franche de Ben Guerdane, à 10 kilomètres de Ras Jedir, pour traverser la Libye, le Niger, le Mali et le Burkina Faso, jusqu’à l’Afrique centrale.
« Ce projet bénéficie du soutien d’institutions africaines. Des investisseurs chinois, arabes et russes seront également sollicités. Il est actuellement en phase de promotion, avec l’appui du secrétariat du Comesa et de celui de la Zlecaf », a-t-il précisé. Et de conclure : « Nous aurons de bonnes nouvelles après la finalisation des études préliminaires, menées avec le soutien de la GIZ. Ce projet nécessite l’engagement, non seulement de la Tunisie, mais de tous les pays de la région, et surtout des institutions africaines, car nous comptons énormément sur le soutien des bailleurs de fonds panafricains ».