Ressources hydriques : Il ne s’agit pas de records

Le taux de remplissage des barrages tunisiens s’est établi mercredi 7 mai à 39,2%, soit quelque 927 millions de mètres cubes, a déclaré le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Agriculture, des Ressources hydriques et de la Pêche en charge des Ressources hydriques.
La Presse — Depuis 2022, le remplissage des barrages n’a pas excédé les 900 millions de mètres cubes. Il a ajouté que «ce volume donne des marges de manœuvre même si elles ne sont pas optimales, en raison notamment du pic de consommation durant la saison estivale».
Effectivement, il ne s’agit pas de records mais de ligne de conduite et de comportements dans le cadre de cette option annoncée : «ce volume donne des marges de manœuvre».
Ces personnes, habilitées ou non, qui grimpent aux rideaux pour annoncer que nous avons enregistré des records au niveau des quantités d’eau retenues dans nos barrages, ceux qui sont tout heureux de nous faire part de l’importance de la prochaine récolte des céréales, ceux qui nous informent que la prochaine production d’huile d’olives atteindra de nouveau sommets, que la production de phosphate a nettement progressé etc, etc, sont-elles surprises par ces performances?
Ceux qui suivent la conduite des affaires se rendent compte que le pays bouge. Il y a des secteurs qui ont remis les pieds à l’étrier et qui ont décidé, enfin, de tirer dans le même sens que la majorité de la population active. Et ça marche.
Pourtant, cela ne semble pas convaincre ceux qui figurent parmi les éternels aigris.
C’est une question d’appréciation individuelle qui ressemble à ces vérifications au moyen de la fameuse VAR en football. Tout le monde voit le but ou la faute, sauf ceux qui s’efforcent de nier les évidences.
Mais ce qui nous intéresse le plus, c’est bien les dispositions que l’on a prises pour faire face à ces dons du Ciel certes, mais qui, qu’on le veuille ou non, sont les fruits de ceux qui se sont appliqués à relancer la production et à secouer cette léthargie qui a longtemps engourdi aussi bien les esprits que les bras. Ces situations particulières qui permettront de faire bouger les statistiques, à bien des niveaux, demeureront exceptionnelles, jusqu’à ce que nous puissions les renouveler. C’est à ce moment-là que nous pourrions affirmer que le pays s’est bel et bien remis au travail.
Il n’en demeure pas moins que l’on vivra la même inquiétude l’année prochaine, parce que la Tunisie est toujours dans une zone dangereuse et qu’elle demeure sous l’effet du stress hydrique, que les menaces de la sécheresse sont toujours là.
C’est la raison pour laquelle nous ne devons pas lever le pied et continuer à adopter une politique qui recommande l’économie dans l’utilisation de l’eau. Franchement, nous n’avons pas distingué de changement, alors que nous étions en pleine crise. On escompte des millions de touristes supplémentaires sur le plan du tourisme et ce seront là de nouveaux consommateurs, pas seulement au niveau de l’eau. Le lavage des voitures, allait bon train dans les kiosques ou dans les garages improvisés. On nettoie à grande eau les devantures des magasins en pleine avenues etc…Heureusement que la pluie a voté pour la Tunisie, sinon nous n’en serions pas là.
A-t-on une idée de ce qu’a été le comportement du citoyen et des utilisateurs potentiels de l’eau, après les dispositions prises pour limiter ou interdire l’usage à outrance?
Personne n’en a parlé. Pourtant, l’orage passé, on aurait été bien inspiré de garder les mêmes recommandations, réaménagées certes, mais toujours prudentes.
De toutes les façons, ce léger mieux, ces nouveaux records, doivent encourager les responsables du secteur à activer la mise en place des dispositions prises en faveur des nouvelles générations. Une bouffée d’oxygène qui allège la pression, mais qui n’a pas résolu le problème de manière définitive.
Il s’agit donc de poursuivre la politique mise en place pour s’équiper de stations de dessalement de l’eau de mer, tout en profitant de ce sursis céleste pour la renforcer. La réutilisation des eaux usées traitées pour l’agriculture, le fait de s’attacher à retenir et à conserver les eaux de pluie, sans parler des nouveaux barrages prévus, lancés ou en voire de finition.
Pour l’huile d’olive, il serait utile de mettre en place suffisamment à l’avance, le plan d’action qui tienne compte du fait que notre production augmentera tous les ans. Pour la bonne raison que nous continuons à planter des milliers de pieds d’oliviers.
Engager dès à présent les dispositions à prendre pour stocker l’huile d’olive, déterminer la quantité à mettre à la disposition du marché local et pourquoi pas, fixer la fourchette des prix pour éviter ces feuilletons d’un autre âge qu’affectionnent des responsables du secteur qui se comportent comme des revendeurs d’antiquités au marché aux puces, cibler une nouvelle clientèle étrangère, mobiliser les concepteurs d’emballages pour assurer une plus-value et réduire l’exportation en vrac, opter pour le verre dont nous sommes producteurs à la place des autres matériaux dont nous sommes importateurs, figurent parmi les options à prendre suffisamment à l’avance.
En ce qui concerne les céréales, se posera le cas de l’emmagasinage ou la protection de ces grandes quantités. Il paraît que l’on se prépare à aménager des abris en plein air. Si on le dit, c’est que c’est possible. Mais pourquoi ne pas utiliser ces immenses infrastructures sportives qui attendent une décision de réfection. Il y a de grands espaces couverts d’accès facile. Cela nous semble plus indiqué qu’un stockage en pleine nature. C’est à voir, cela mérite la peine de faire l’économie du risque.
Des records oui, mais il faut savoir s’y prendre à temps pour ne pas être pris de vitesse.