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Industries culturelles et créatives : Un moteur de croissance encore sous-exploité

  • 3 mai 17:35
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Industries culturelles et créatives : Un moteur de croissance encore sous-exploité

La culture s’impose aujourd’hui comme un pilier stratégique de l’économie moderne. Et la Tunisie, avec sa jeunesse créative et son riche patrimoine, dispose de tous les atouts pour faire des industries culturelles et créatives un levier majeur de développement.

 Longtemps reléguée au second plan, la culture émerge aujourd’hui comme un levier économique à part entière. Loin de se limiter à un simple divertissement, elle génère de la valeur ajoutée et participe activement aux dynamiques de production modernes. Avec le développement des nouvelles technologies et la démocratisation de la production culturelle, les industries culturelles et créatives (ICC) ont pu émerger et se structurer autour de diverses activités telles que la musique, le cinéma, le design, la mode ou encore les arts visuels. 

Des disparités…

Au-delà de la forte valeur ajoutée qu’elles génèrent – et donc de leur importante contribution à la croissance économique et à la création d’emplois – ces industries se distinguent par une résilience remarquable. Plusieurs expériences à travers le monde ont démontré leur capacité à résister aux crises, notamment durant celle du Covid-19. Alors que l’économie mondiale faisait face à l’une des plus graves récessions de son histoire, le secteur des ICC poursuivait sa croissance de manière quasi imperturbable. C’est d’ailleurs ce constat qui a conduit l’Unesco à déclarer l’année 2021 « Année internationale de l’économie créative au service du développement durable». Aujourd’hui, l’économie créative est synonyme de croissance rapide. 

Elle figure parmi les secteurs affichant la plus forte progression en matière d’activité et de performance. En seulement dix ans, la part des exportations des ICC dans les exportations mondiales de services a presque doublé, passant de 12 % en 2010 à plus de 21 % en 2020. Ce secteur représente désormais un marché de plus de 2.250 milliards de dollars et emploie plus de 30 millions de personnes à travers le monde. 

Il constitue également une source d’emploi dynamique pour les jeunes, notamment ceux âgés de 18 à 25 ans. 

Cependant, cette croissance reste inégalement répartie. Tandis que les régions Asie-Pacifique, Europe et Amérique du Nord concentrent 92 % des revenus générés par les ICC, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Amérique latine peinent à exploiter pleinement leur potentiel. Ces disparités révèlent à la fois une richesse créative encore sous-exploitée et la fragilité, voire l’informalité, qui caractérise encore ce secteur dans les pays du Sud. 

La Tunisie ne fait pas exception. Dotée d’un riche patrimoine culturel, d’une population jeune et d’une avance technologique notable dans la région, elle dispose pourtant de nombreux atouts pour faire émerger un secteur ICC dynamique. Selon une étude récente, les activités culturelles en Tunisie génèrent environ 1,5 milliard de dinars, soit 0,7 % du PIB, et emploient plus de 70 mille personnes à travers près de 14 mille entreprises. 

Attrayant pour les jeunes pousses

La filière « design et services créatifs» en constitue le principal moteur, représentant 39 % du marché. La bonne nouvelle, c’est que ce secteur encore naissant attire également l’écosystème des start-up : 9 % des jeunes pousses labellisées en Tunisie relèvent des ICC, et 7 % des structures d’accompagnement leur sont dédiées. Toutefois, plusieurs difficultés freinent son développement, à commencer par l’informalité, qui précarise les emplois : 56 % des postes ne sont pas déclarés et un tiers du chiffre d’affaires est réalisé dans l’informel. 

Cette fragilité limite l’attractivité du secteur pour les investisseurs et empêche l’accès aux financements bancaires. Malgré cela, plusieurs acteurs se mobilisent pour structurer le secteur, avec une approche axée sur le développement social, économique et touristique. 

L’offre de biens et services culturels s’étoffe, et l’intérêt croissant des institutions, mécènes et organisations contribue à soutenir ce secteur en pleine expansion. 

L’Etat, à travers l’Apii, joue également un rôle d’appui en accordant des incitations financières et fiscales, comme des subventions, couvrant entre 30 % et 50 % des coûts des projets. Cependant, l’aversion persistante des banques vis-à-vis de cette activité demeure l’un des principaux freins à son essor. 

Pour libérer pleinement le potentiel des ICC, les spécialistes s’accordent à dire que des réformes sont aujourd’hui indispensables. Il s’agit notamment de moderniser les cadres législatifs, de mieux encadrer l’activité économique culturelle, de favoriser la consommation de produits culturels et de renforcer les mécanismes de soutien financier. Le développement des industries culturelles et créatives pourrait alors devenir non seulement un moteur de croissance économique, mais aussi un vecteur de rayonnement culturel, d’attractivité touristique et d’innovation technologique pour la Tunisie.

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